Dégâts à l’opéra
Le musée d’Orsay
consacre, en cette année de 350è anniversaire de l’Opéra de Paris, une
rétrospective Edgar Degas consacrée aux œuvres du peintre retraçant la vie au
sein du bâtiment d’art lyrique et chorégraphique.
En dépit de
la magnifique maquette du palais Garnier mesurant 5.5 mètres de long pour 2.5
de haut, présentée au sein de l’exposition, Degas détestait l’Opéra Garnier et l’a
peu représenté dans ses tableaux. Les vues des salles de répétition, scène,
loges, foyer de la danse, sont majoritairement des interprétations des espaces
de la salle Le Peletier qui a précédé le site de Garnier. Si Degas, longtemps titulaire
d’un abonnement, a assidûment fréquenté les «backstages» de l’Opéra où il a
réalisé nombres de croquis préparatoires, c’est dans son atelier qu’il peignait
ses toiles, y conviant ses jeunes modèles.
La célèbre sculpture
« la petite danseuse de 14 ans » représentant la jeune Marie Van
Goethem, qui fait l’objet du passionnant livre de Camille Laurens*, atteste cette réalité. Marie, comme tant d’autres petits
rats, est issue d’une famille défavorisée. L’Opéra, en échange de l’engagement
sur plusieurs années des danseuses, offre à leur famille un maigre salaire, et
aux jeunes filles un repas quotidien. Ce revenu étant insuffisant, les fillettes
sont contraintes de cumuler, en plus de leurs heures de barre, d’autres petits
boulots : modèle voire, sous l’autorité complice de leur mère, «favorite»
des messieurs fréquentant les couloirs de l’Opéra
A la lecture
du poignant témoignage d’Adèle Haenel, l’exposition prend une autre dimension.
Si Degas a donné à voir les mères maquerelles et la présence constante des bourgeois
dans le sillage des jeunes danseuses, la question du positionnement du peintre
se pose. Témoin de ces agissements, il n’en a pas moins côtoyé à loisir les
fillettes dans leur intimité. Ou quand l’appétence pour les petites filles ne
semblait pas émouvoir une société patriarcale.
Exposition Degas à l’Opéra, musée d’Orsay,
jusqu’au 19 janvier 2020.
La Petite danseuse de 14 ans, Camille Laurens / Folio
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