La Galerie du Crabe


Épater la galerie

Poursuivons notre escapade granvillaise avec un détour par la galerie du Crabe, l’une des premières à s’être installée rue des Juifs, voie reliant la grande plage à la Haute Ville, tenue par Yves Bouger, ex vice-Président du syndicat des Antiquités d’occasion et des Galeries d’art modernes.

La rue des Juifs, surnommée « rue des artistes », compte un nombre impressionnant de galeries et boutiques de déco. Rien d’étonnant à ce qu’autant de galeristes se soient implantés sur ce rocher quand on sait que William Turner y a peint « L’église Notre Dame dans la pointe qui se jette dans la mer », Camille Corot « Granville Bateaux de pêche » et Paul Huet « Brisants à la pointe de Granville ». La ville est aussi la terre natale du libraire et collectionneur Richard Anacréon -ami de Colette, Cocteau, Cendrars, Genet… qui a donné son nom au musée d’art moderne granvillais. Sans oublier Marin-Marie, navigateur et peintre officiel de la Marine, amoureux des îles Chausey.

asaé : Yves, quel est ton parcours ? Comment es-tu devenu galeriste à Granville ?

Yves : J’étais étudiant en lettres à Rennes et j’ai rencontré une jolie femme qui m’a détourné de la voie royale du vedettariat. Elle m’a amené à Granville. Je me suis posé à La Rafale (NDLR bar emblématique de la Haute Ville), j’ai vu les dauphins et je suis resté bloqué sur ce rocher depuis 20 ans ! Comme j’avais la volonté de devenir écrivain en parallèle, je me suis mis à vendre des livres. J’ai été bouquiniste sur les marchés et dans les salons. Puis, j’en ai eu assez de regarder le ciel et de craindre la météo -les livres sont des objets fragiles, j’ai donc ouvert en 2000 une boutique de livres anciens et BD rue des Juifs dans une ancienne imprimerie. En parallèle, j’étais à tous les salons de la Porte de Champerret -La Mecque du livre et du papier ancien. J’y vendais aussi des illustrés modernes arts déco et de l’iconographie maritime. J’ai été l’un des premiers à présenter des tableaux dans des salons du livre. D’ailleurs, je me suis vite rendu compte que les tableaux étaient moins lourds à transporter que les livres, d’autant que les prix des bouquins chutaient terriblement. Je me suis donc tourné vers les toiles.

asaé : Ton installation initiale rue des Juifs est donc fortuite mais depuis tu en es devenu une figure emblématique…

Yves : L’idée était que « l’esprit Haute Ville » démarre dès la rue des Juifs. Faire de cette voie une sorte de Rue Gama attractive et sympa avec son boucher, son bistro, sa galerie… Et, progressivement d’autres galeristes se sont installés jusqu’à ce que Granville devienne la seconde ville de Normandie en terme de nombre de galeries après Honfleur !

asaé : Comment t’es-tu formé ?

Yves : Tout seul. J’ai beaucoup lu sur la peinture et sur la vie des peintres. J’ai su très vite ce que je n’aimais pas ! Pour vendre un tableau, il faut être en mesure de circonstancier le peintre, la toile, être capable d’en parler, de transmettre les émotions et intentions.

asaé : Toi-même tu dessines, il me semble ?

Yves : Je suis un artiste plombier, je ne fais que des ventouses et des robinets ! J’ai toujours dessiné ces trucs dans les marges de mes cahiers, comme une sorte de thérapie. J’ai un talent tout à fait relatif et à moins du salon de la plomberie internationale, je ne montre pas !

asaé : Comment choisis-tu les artistes que tu exposes ? Il y a-t-il un dénominateur commun ?

Yves : Je suis originaire de Bretagne, près de Pont Aven, une terre de peinture. Les bretons ont une appétence, une envie de décorer leurs murs quelle que soit leur catégorie socio-professionnelle. Le choix d’exposer untel ou untel est lié à des rencontres. Lorsque je repère un peintre qui me plait, qui fait naitre une belle émotion, qui raconte une histoire, je l’appelle. Je me suis rendu compte qu’en tant que galeriste, j’avais un rôle de mécénat à jouer auprès des peintres vivants, qui sont en demande de lieux d’exposition. C’est pourquoi depuis quelque temps, la peinture contemporaine a pris le dessus.

asaé : Comment te définis-tu ?

Yves : Difficile… Collectionneur d’œuvres d’art… Amateur éclairé. Je suis tombé dedans. C’est une passion irraisonnée. En tant que conservateur momentané, ce que tu vois passer t’enrichit intellectuellement.

asaé : Des projets ?

Yves : Une nouvelle galerie place Cambernon (NDLR à la Haute Ville) agrémentée d’un petit bistrot. Si la première galerie est assez éclectique, la seconde est dédiée à la peinture contemporaine avec des accrochages monographiques ou thématiques ne regroupant qu’un nombre limité d’artistes. Ledoeufre, Patrice Othon. J’espère exposer le street artist Jérôme Mesnager (NDLR : qui possède un atelier à Villedieu-les-Poêles, à proximité de Granville). Je vois cet espace comme un lieu de convivialité, d’échanges autour de la peinture, une espèce de laboratoire où seront organisés des happenings de théâtre, des accompagnements culinaires autour des œuvres…

asaé : Des combats ?

Yves : Au nom du syndicat, notre ambition, et ce pour quoi nous nous battons, en tant qu’acteurs culturels, est d’être rattachés au Ministère de la Culture alors qu’à présent, nous sommes considérés comme des commerçants.


Galerie du Crabe, 68 rue des Juifs, Granville
Retrouvez Yves Bouger au salon international du livre rare, du 18 au 20 septembre, grande nef, Grand Palais, 3 avenue du Général Eisenhower, 75008.

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