Bestiaire urbain

 



Urbi, Orbi, Zarbi

Bonne nouvelle pour ceux qui l’ont loupée cet automne à Malmaison où elle n’a été visible que deux semaines pour cause de Covid, l’exposition « Chimères impériales, chimères vandales » du street artist Codex urbanus, vient de renaître de ses cendres à la galerie Le cabinet d’Amateur. Au programme, une invasion de bestioles composites, bigarrées, chargées de mystère et d’humour. Rencontre avec leur créateur.

asaé : Tes compositions sont complexes, intégrant chacune 4 éléments : dessin, nom, numéro, signature. D’où tout cela vient-il ?

Codex urbanus : J’ai toujours dessiné dans les marges de mes cahiers, des monstres surtout et des villes. J’ai aussi fait du latin jusqu’au bac, d’où les consonances étymologiques. Mes créatures sont formées d’animaux existants qui, mixés ensembles, donnent vie à des êtres hybrides. Mon travail évoque les chimères mythologiques, les gravures anciennes, les enluminures médiévales. Le nom indique les animaux qui composent la créature, quant à l’attribution du numéro, il y a une logique que je ne dévoilerai pas.

asaé : Comment détermines-tu le texte et le motif ?

Codex urbanus : Je ne prévois pas, je ne sais jamais à l’avance si et ce que je vais dessiner. C’est lié au moment, à  l’envie et à une condition très tangible qui est le mur lui-même. Selon s’il est vertical, horizontal, son revêtement, s’il présente des fissures… le mur préside à la création. J’ai toujours mon feutre sur moi de sorte que lorsque je vois un mur qui m’inspire, j’y vais. C’est un travail spontané, à main levée. Donc, en cas de trait malvenu, j’essaie de l’intégrer, d’encapsuler l’erreur. Quand je dessine la nuit, c’est souvent en rentrant de mes soirées passées au tribunal : en plus de celui de street artist, j’exerce deux autres métiers dont l’un, interprète judiciaire, est très stressant. Il y a donc un lien émotionnel, un côté thérapeutique à dessiner dans la rue, c’est une façon pour moi de lâcher prise, de me débarrasser des conflits.

asaé : Tu es un familier des catacombes, tu as d’ailleurs un surnom de cataphile. Dessines-tu en sous terrain ?

Codex urbanus : Il m’est arrivé d’y laisser des tracts mais je n’ai jamais dessiné dans les catacombes, et ce pour différentes raisons : premièrement les parois sont la plupart du temps en calcaire, une matière pas du tout adaptée à mes outils qui sont des marqueurs à peinture. L’outil de prédilection dans les catacombes, c’est la bombe, outil que je maitrise mal. Deuxièmement, intervenir dans les catacombes, c’est vouloir procéder en catimini, œuvrer à l’écart, comme dans une friche. Mon but à moi est d’être dans l’espace urbain, visible de tous. Je le suis dans le 18è.

asaé : Justement, pourquoi le 18è ? Un lien avec le fait que cet arrondissement est prisé des artistes depuis deux siècles ?

Codex urbanus : J’y habite depuis 20 ans. A l’époque, Montmartre ne ressemblait pas à ce que c’est devenu, à savoir un quartier musée essentiellement fréquenté par les touristes et déserté par les parisiens. En me cantonnant au 18è, je m’ancre, je contribue modestement à perpétrer l’âme montmartroise. C’est une guerre perdue d’avance car, en face, il y a des impératifs immobiliers, touristiques, économiques… Mais selon moi, la présence régulière d’un artiste local participe à maintenir un peu d’authenticité. Et, Montmartre présente de nombreux décrochements de façade, recèle des passages, des escaliers, des voies piétonnes… Autant d’endroits propices pour dessiner. Enfin, mes créatures sont très vite effacées, donc si je me disperse trop à travers la Ville, j’aurais moins de visibilité, pas vraiment d’existence.

asaé : Des projets ?

Codex urbanus : Je ne suis pas anniversaire mais 2021 coïncide avec la dixième année que je dessine sur les murs. Comme je répertorie, dans les archives impériales de Codex urbanus, toutes mes créatures, j’ai plein de matière. Je prévois de publier un codex papier reprenant la totalité des chimères créées. Il y a bien de quoi faire deux volumes. Et, en hommage aux 400 ans de la naissance de Jean de la Fontaine, j’ai prévu de composer et illustrer 50 fables, presque autant qu’il y a de semaines dans l’année. J’en colle une chaque semaine sur les murs de l’école élémentaire de la rue Ramey. En tant qu’artiste animalier, un poète du 17è siècle qui donne aux animaux un caractère, un langage et propose une morale, ça me parle forcément. Et j’aime ce double niveau de lecture qui s’adresse à la fois aux enfants et aux adultes. Car mon art peut aussi être vu comme enfantin et naïf ou retord et étrange.

asaé : Te souviens-tu de ta première chimère de rue ?

Codex urbanus : La première au posca était à Bruxelles, en journée. Je voulais essayer, je n’avais qu’un posca blanc.... J’ai posé la mèche contre le mur et la magie a opéré ; le temps s’est suspendu. J’ai su que je n’avais pas fini de rechercher cette sensation, et 10 ans plus tard, ça ne s’est pas démenti.

asaé : Si tu devais te représenter dans le bestiaire, à quoi ressemblerait la créature ?

Codex urbanus (après une courte réflexion) : Ce serait probablement un croisement entre un cerf, un sanglier et un belostome ou une nèpe (NDLR : insectes du type punaises aquatiques).

 

Suivre Codex Urbanus : site http://www.codexurbanus.com/ Page Facebook codexstreetart / Instagram codexurbanus

Chimères impériales, chimères vandales, expo personnelle Le cabinet d’amateur, 12 rue de la Forge royale, 75011, jusqu’au 21/02/21. Dans les rues de Paris, expo collective, galerie Sakura, 21 rue du Bourg Tibourg, 75003, jusqu’au 20/03.

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