Y’a pas photo !

© Françoise Huguier - Ville de Romainville

Au doigt et à l’œil, c’est le titre -en référence au regard de l’artiste qui cadre la scène et au doigt qui déclenche l’objectif-, de l’exposition de la photographe Françoise Huguier. Un accrochage riche d’une trentaine d’images représentatives de 40 ans de pérégrinations à travers le monde, présenté parvis de la Place de la Laïcité à Romainville qui, pour l’occasion, se mue en galerie d’art à ciel ouvert.

Françoise Huguier a passé ses premières années au Cambodge, son père y était responsable d’une plantation d’hévéas. À l’âge de 8 ans, elle et son frère de 12 ans, sont capturés par les Viêt Minh. Ils resteront prisonniers huit mois dans la jungle. Une expérience déterminante pour la fillette au caractère déjà bien trempé. Globe trotteuse infatigable, c’est en documentant, par des prises de vue, le travail de son mari, architecte d’intérieur, en mission à l’étranger, que le goût de la photo et des voyages s’installe durablement chez l’artiste.

Infatigable baroudeuse

En 1989, Françoise Huguier part sur les traces de l’ethnologue Michel Leiris et parcourt le continent africain. Elle reçoit pour cette série photographique* le prix Kodak et celui de la Villa Médicis hors les murs. En 1993, elle s’aventure en Sibérie et tient un journal de bord** pour lequel elle sera de nouveau lauréate de la Villa Médicis hors les murs et remporte un World Press Photo. Parallèlement, elle contribue, pendant une vingtaine d’années, au quotidien Libération pour lequel elle commence par couvrir les défilés de Haute Couture. À partir de 2000, la photographe séjourne à Saint Pétersbourg deux mois par an pendant dix ans pour y photographier les appartements communautaires. Elle en tire un ouvrage et un film documentaire***. En 2011, Françoise Huguier reçoit le Prix de la photographie de l’Académie des Beaux- Arts pour son travail en Asie du Sud-Est. L’année suivante, elle est faite Officier des Arts et Lettres. En 2018, elle est l’invitée du 100 photos pour la Liberté de la presse de Reporter Sans Frontières. Et, en janvier 2023, celle qui a exposé à Séoul, Lausanne, Arles, Perpignan, Toulouse et maintes fois à Paris est nommée à l’unanimité au fauteuil V de l’Académie des Beaux-Arts, section photographie. Elle fait aussi partie du jury du prix Ladreit de la Charrière qui récompense l’auteur d’un projet photographique original.

 

*Sur les traces de l’Afrique fantôme, Actes Sud 1990

**En route pour Behring, Maeght 1993

***Kommounalki, Actes Sud 2008 et DVD Kommunalka, éditions Montparnasse 2009


Quand vous photographiez des intérieurs ou des personnes, vous avez une approche sensible, intime. Comment procédez-vous ?

FH : Je passe du temps avec les personnes, je suis à leur écoute. L’objectif est de créer une proximité, une connivence. J’observe attentivement, les photos, les bibelots, les livres. Je leur raconte ma vie, mon expérience de prisonnière de guerre enfant. Puis, ce sont elles qui naturellement me confient la leur.

Vous avez photographié de nombreuses femmes. Vous sentiez-vous investie d’une mission de porte-parole ?

FH : Ce sont les circonstances qui ont fait que j’ai photographié beaucoup de femmes. Etant moi-même une femme, il est plus facile d’établir un contact, créer un lien de confiance avec les personnes du même sexe.

Parmi les femmes que vous avez photographiées, il y a eu des mannequins lorsque vous documentiez les présentations de Haute Couture pour Libération. Vous portiez un regard très personnel sur ces défilés et avez instauré une signature.

FH : Je coupais souvent les têtes des mannequins pour me focaliser sur les jambes. Je préférais les prendre en contre plongée ou de dos quand elles repartaient en direction des coulisses. Je prenais aussi des détails des vêtements en gros plans pour valoriser le travail artisanal réalisé dans les ateliers.

Parmi vos confrères et consœurs, de qui vous sentez-vous  proche de par son approche photographique ?

FH : William Eugène Smith pour sa série sur un médecin de campagne et William Klein pour ses photos de Rome et Tokyo. En raison de leur approche respectueuse des gens, leur souci d’établir un lien de confiance. Et, concernant Saint Pétersbourg, c’est le cinéaste russe Andreï Tarkovski qui m’a inspirée.

Si vous ne deviez garder qu’une seule photo parmi vos milliers d’œuvres, laquelle serait-ce ?

FH : Compliqué… Le pêcheur bozo dans sa barque ou peut-être la trace de sang à la morgue au Mali.

Votre conseil aux jeunes photographes reporters ?

FH : Ne pas se projeter sur la réalisation d’un livre ou le montage d’une exposition, se concentrer sur son travail, ses photos. Bien se préparer en amont, étudier sa destination, potasser son itinéraire, maîtriser son sujet et, sur place, être à l’écoute, rester ouvert.

Des projets ?

FH : Un livre sur l’Afrique pour la fin de l’année 2024. Un sujet sur un footballeur musicien aveugle. L’idée de transformer le rez-de-chaussée du local en musée… L’exploitation d’une série réalisée sur des habitants de Romainville.

© Françoise Huguier - Photo Poche Actes Sud

 

Au doigt et à l’œil, Parvis de la Laïcité à Romainville, du 09/02 au 31/03. Projection le 10/03 du documentaire Kommunalka au cinéma le Trianon, 2 Place Carnot à Romainville, suivie d’une rencontre avec la photographe.

https://agencevu.com/photographe/francoise-huguier/

https://www.ville-romainville.fr/

 

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