Beaubourg case la BD

Le 9ème art s’invite, avant fermeture pour rénovation de 2025 à 2030, au centre Pompidou, antre de l’art moderne et contemporain. 130 artistes, ¼ d’autrices, ¾ d’auteurs, pour 750 originaux. Une exposition ambulatoire qui se déploie à travers presque tout le site.

En 1986, la bande dessinée faisait son entrée au Grand Palais. Par ce geste muséal, « La littérature dessinée » comme la nommait Hugo Pratt, qui se définissait comme « un écrivain qui dessine ou un dessinateur qui écrit », recevait officiellement ses lettres de noblesse. Presque 40 ans plus tard, à Beaubourg, l’accrochage principal, qui prend place au 6ème étage, intitulé « Bande dessinée 1964-2024 » est une référence directe à l’année 1964 marquée par la parution de Barbabella, premier roman graphique et première utilisation en France de la dénomination « 9ème art » dans le Journal de Spirou. Plus que chronologique, le parcours est thématique et s’articule autour d’une dizaine de notions : noir & blanc, couleurs, rêve, rire, anticipation… La diversité des styles et techniques et le panachage des générations sont de mise avec les trois grands pôles abordés que sont la ligne claire franco-belge, les mangas asiatiques et les comics étatsuniens. Via ces parcours parallèles, on voit la BD passer d’une cible enfantine à un lectorat adulte. Parmi les trésors exposés : des planches originales, des dessins de couvertures, carnets de croquis, de grands noms comme Art Spiegelman, Zep, Pénélope Bagieu, Miyazaki, Tardi, Riad Sattouf…

Au 5ème étage, dans les traverses, dialoguant avec les œuvres de la collection permanente, d’autres pointures sont à l’honneur dont Blutch, Joann Sfar, Catherine Meurisse, Balthus… Sans oublier six monographies de figures iconiques de la BD dont George McManus et Hergé avec la présentation d’originaux d’On a marché sur la Lune. L’une de ces planches, signée Hergé donc et offerte par le musée de la BD de Brussels, est d’ailleurs le seul original possédé par Beaubourg.

Du Pif

Cerise sur le gâteau, la Bibliothèque Publique d’Information consacre son espace d’exposition, gratuit, au plus légendaire marin que la BD connaisse : Corto Maltese, personnage emblématique de Hugo Pratt. Si aucun récit de l’aventurier anarchiste et solitaire ne se déroule à Paris, s’il n’y avait eu Paris où Pratt a vécu pendant 14 ans, Corto n’aurait probablement pas émergé de la mer salée*. C’est en effet dans le train le menant, en 1970, de Gênes à Paris, dans l’intention de démarcher la rédaction de Pif Gadget, que Pratt a l’idée de développer le personnage de Corto, et d’en faire le héros d’une série. Le parcours s’ouvre sur un mur présentant la biographie imaginaire du marin à l’anneau où des brides d’infos sur ses parents et son enfance nous sont partagées. Vient ensuite la partie évoquant la construction du personnage, et des multiples protagonistes rencontrés au fil de ses aventures, pour certains inventés, pour d’autres ayant réellement existés, rajoutant à la confusion entre fiction et réalité, Corto traversant dans ses pérégrinations moult événements historiques. Enfin, outre le fait que le héros est souvent représenté un livre à la main, quantité de références littéraires traversent les albums :  de Joseph Kipling à Jack London, en passant par Herman Melville, Ernest Hemingway, Borgès… sans oublier les œuvres nommées telles que L’Île au trésor de Stevenson, Dom Quichotte de Cervantes, les poésies de Rimbaud, A la recherche du temps perdu de Proust, Le Petit Prince de Saint Exupéry, et les influences des légendes celtiques et récits shakespeariens. Précisons que Hugo Pratt était un lecteur insatiable, propriétaire, dans sa dernière demeure helvétique, d’une bibliothèque riche de 17 000 œuvres. Ainsi, sont présentés dans l’expo nombre de photos, notes, storyboards, croquis, planches originales, aquarelles, livres, magazines d’époque, dont la fameuse revue Sergent Kirk qui, la première, a publié l’image de Corto…

Une image, qui, si elle s’affiche, comme nombre de ses confrères et consœurs de papier, sur quantité de goodies, présente une exception : Corto est le seul héros de fiction à avoir été l’égérie d’une marque de parfum prestigieuse. En effet, en 2001, le célèbre marin a incarné Eau sauvage de Dior.

La BD à tous les étages : Bande dessinée (1964-2024)/ Corto Maltese, une vie romanesque, Beaubourg-Centre Pompidou, Place Georges-Pompidou, 75004. Jusqu’au 04/11/2024.

https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/la-bd-a-tous-les-etages

*cf La balade la mer salée, Hugo Pratt, 1967.

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